Par Dr Litaaba-Akila Djinta, Assistante de recherche. Centre de recherche et de formation en sciences économiques et de gestion (CERFEG), Université de Lomé (Togo)
La présente analyse compare les effets des ajustements qualitatifs au montant dérivé de la formule. Les ajustements qualitatifs affichent des résultats mitigés en Afrique et ne révèlent aucune tendance spécifique. De nombreux pays bénéficiant d’allocations importantes ou faibles, comme le Mozambique ou le Gabon, ont reçu des allocations finales inférieures aux montants dérivés de la formule, même pour des maladies dont la prévalence ou l’incidence est élevée; et de nombreux pays, grands ou petits, comme le Nigéria ou le Rwanda, ont obtenu des ressources accrues grâce aux ajustements. Certains pays classés dans la catégorie des ” contextes d’intervention difficile”, comme le Burkina Faso, ont perdu des ressources, tandis que d’autres, comme le Tchad, en ont gagné. Dans l’ensemble, les pays africains ont reçu moins de ressources pour la tuberculose dans le présent cycle de subventions que dans le précédent, en raison des changements dans la répartition globale des allocations par maladie.
Les décisions du Fonds mondial concernant les allocations aux pays sont prises suivant un processus en deux étapes. La première étape consiste à appliquer la répartition globale des allocation par maladie aux fonds disponibles pour les investissements. Cette formule est basée sur l’épidémiologie et la catégorie de revenu d’un pays. La deuxième étape est celle des “ajustements qualitatifs”, qui consistent à affiner les montants dérivés de la formule (MDF) pour tenir compte des facteurs épidémiologiques, programmatiques et autres qui n’ont pas été suffisamment pris en compte par la formule d’allocation. Cette deuxième étape a pour but de maximiser l’impact des ressources du Fonds mondial conformément à la stratégie du Fonds mondial.
L’ajustement qualitatif est réalisé en deux phases:
La phase 1 qui consiste en des ajustements pour les populations clés (PC) concernant le VIH. À ce stade, le Fonds mondial réduit les MDF des pays à forte prévalence pour les attribuer aux pays à faible prévalence mais ayant une épidémie concentrée au sein des populations clés.
La phase 2 qui tient compte de facteurs programmatiques clés et d’autres considérations contextuelles telles que l’existence d’un contexte d’intervention difficile (CID), l’efficacité du programme au cours du cycle de subvention précédent ou les niveaux d’absorption.
Les données proviennent du rapport sur l’ajustement qualitatif pour l’allocation 2023-2025 et incluent tous les changements apportés aux MDF par le biais du processus d’ajustement qualitatif. Le rapport ne couvre pas les allocations de tous les pays pour la période 2023-2025. Il ne couvre que ceux qui ont fait l’objet d’un ajustement au cours de la phase 1 ou 2. Les données indiquent également l’allocation finale communiquée aux pays par composante maladie, le financement global total ajusté à partir des MDF (en valeur absolue et en pourcentage) et la variation du financement par rapport à la précédente répartition globale des allocations par maladie (en valeur absolue et en pourcentage). Nous avons également calculé une nouvelle variation par rapport au financement précédent en pourcentage en utilisant l’allocation finale précédente pour effectuer l’analyse.
En Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), l’allocation finale moyenne est de 59,65 millions de dollars US, contre 105,62 millions de dollars US en Afrique de l’Est et australe (AEA). Environ 2 % de l’allocation du portefeuille a changé par rapport au financement précédent en AOC, contre 4 % en Afrique de l’Est et australe. (Graphiques 1 et 2).
Graphique 1: Moyenne de l’allocation finale par région Graphique 2: Changement par rapport au financement précédent par région
Une analyse plus approfondie par région et par subvention pour chaque maladie montre que l’allocation finale pour le paludisme est en moyenne plus élevée en AOC que pour les deux autres maladies (tuberculose et VIH/SIDA). En revanche, en AEA, la subvention pour le VIH/SIDA est plus élevée (graphique 3). Cette différence est due au taux élevé d’incidence du paludisme en AOC et au taux élevé de transmission du VIH/SIDA dans la région de l’AEA. En AOC, 4.7 millions de personnes vivent avec le VIH, ce qui représente une prévalence de 1,3 % alors que la prévalence en AEA est en moyenne de 6,2 %. En termes d’ajustement qualitatif dans les deux régions, si l’on considère la moyenne calculée du pourcentage de la variation par rapport au financement précédent, seules les subventions pour la tuberculose ont des ajustements négatifs (graphique 4).
Graphique 3: Moyenne de l’allocation finale
par maladie et par région
Graphique 4: Variation par rapport au financement précédent
par maladie et par région
L’analyse par pays (tableau 1) montre qu’en AOC, les cinq pays qui ont le plus bénéficié des ajustements sont la Mauritanie, le Sénégal, le Cap Vert, le Tchad et la Guinée Bissau. Ils enregistrent le pourcentage de variation le plus élevé par rapport au MDF calculé. De même, en AEA, les cinq pays qui ont le plus bénéficié des ajustements qualitatifs sont Madagascar, Maurice, le Rwanda, la Namibie et les Comores.
En revanche, les cinq pays de l’AOC qui ont perdu le plus de ressources après les ajustements (Tableau 2) sont le Burkina Faso, le Mali, le Gabon, le Congo et Sao Tomé-et-Principe. En AEA, l’Ouganda, le Mozambique, l’Afrique du Sud, Zanzibar et l’Angola sont les pays dont les allocations ont connu la plus forte diminution après les ajustements qualitatifs.
Il convient de noter qu’il s’agit de variations en pourcentage et non en dollars. Certains pays ont une allocation finale totale modeste, comme l’île Maurice (2,4 millions de dollars).
Tableau 1: Présentation des données des cinq pays qui ont le plus bénéficié des ajustements en Afrique de l’Ouest et Centrale et en Afrique de l’Est et australe (classés par pourcentage (%) de variation décroissante)
Région | (A)
Pays |
(B)
Ajustement de la Phase 1 pour les populations affectées de manière disproportionnée par le VIH (millions de dollars US) |
(C)
Ajustement au cours de la phase 2 (Montant) |
(D)
Allocation finale (millions de dollars US) |
(E)
Allocation précédente (en millions de dollars US) |
(F)
Variation par rapport à l’allocation dérivée de la formule (montant) |
(G)
Pourcentage (%) de la variation par rapport à l’allocation dérivée de la formule (calculée) |
Afrique de l’Ouest et du Centre | Mauritanie | 1,3 | 1,7 | 8,5 | 5,5 | 3 | 54% |
Sénégal | 6 | 5 | 31,9 | 20,9 | 11 | 53% | |
Cap Vert | 0,2 | 0,6 | 4,2 | 3,3 | 0,9 | 27% | |
Tchad | 1,4 | 9 | 55,5 | 45,1 | 10,4 | 23% | |
Guinée-Bissau | -1,8 | 6,2 | 27,3 | 22,9 | 4,4 | 19% | |
Afrique de l’Est et australe | Madagascar | 6,3 | 34 | 100,7 | 60,4 | 40,3 | 67% |
Maurice | 0,5 | 0 | 2,4 | 1,9 | 0,5 | 26% | |
Rwanda | -9,9 | 32,7 | 172 | 149,3 | 22,7 | 15% | |
Namibie | -2,3 | 5,6 | 32,7 | 29,4 | 3,3 | 11% | |
Comores | 0,1 | 0 | 1 | 0,9 | 0,1 | 11% |
Notes: G=(D-E)/E Source: Rapport du Fonds mondial sur l’ajustement qualitatif pour l’allocation 2023-2025
Tableau 2: Présentation des données des cinq pays qui ont perdu le plus de ressources après les ajustements en Afrique de l’Ouest et Centrale et en Afrique de l’Est et australe par rapport à la subvention totale
Région | (A)
Pays |
(B)
Ajustement de la Phase 1 pour les populations affectées de manière disproportionnée par le VIH (millions de dollars US) |
(C)
Ajustement au cours de la phase 2 (Montant) |
(D)
Allocation finale (en millions de dollars US) |
(E)
Allocation précédente (en millions de dollars US) |
(F)
Variation par rapport à l’allocation dérivée de la formule (montant) |
(G)
Pourcentage (%) de la variation par rapport à l’allocation dérivée de la formule (calculée) |
Afrique de l’Ouest et du Centre | Burkina Faso | 1,5 | -10,3 | 242,5 | 251,3 | -8,8 | -4% |
Mali | 1,3 | -13,7 | 179,6 | 192 | -12,4 | -6% | |
Gabon | -0,3 | -0,2 | 5,8 | 6,3 | -0,5 | -8% | |
Congo | -3,4 | -6 | 62,5 | 71,9 | -9,4 | -13% | |
Sao Tomé et Principe | 0 | -6,6 | 12,9 | 19,4 | -6,5 | -34% | |
Afrique de l’Est et australe | Ouganda | -31,5 | 0 | 288,5 | 320 | -31,5 | -10% |
Mozambique | -57,5 | -27,1 | 770,6 | 855,2 | -84,6 | -10% | |
Afrique du Sud | -53,3 | -50 | 536 | 639,3 | -103,3 | -16% | |
Zanzibar | 0,2 | -6,3 | 10,8 | 16,9 | -6,1 | -36% | |
Angola | 2,3 | -77,9 | 126 | 201,6 | -75,6 | -38% |
Notes: G=(D-E)/E Source: Rapport du Fonds mondial sur l’ajustement qualitatif pour l’allocation 2023-2025
Tous les cinq pays de l’AEA ont perdu des allocations à la suite des ajustements qualitatifs (Tableau 3). En revanche, en AOC, le Nigéria et le Cameroun ont bénéficié d’une augmentation de leurs allocations, tandis que le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali ont vu leurs allocations diminuer.
Tableau 3: Présentation des données par pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre et d’Afrique de l’Est et Australe disposant des allocations les plus élevées dans le rapport*.
Région | (A)
Pays |
(B)
Ajustement de la Phase 1 pour les populations affectées de manière disproportionnée par le VIH (millions de dollars US) |
(C)
Ajustement au cours de la phase 2 (Montant) |
(D)
Allocation finale (en millions de dollars US) |
(E)
Allocation précédente (en millions de dollars US) |
(F)
Variation par rapport à l’allocation dérivée de la formule (montant) |
(G)
Pourcentage (%) de changement par rapport à l’allocation dérivée de la formule (calculée) |
Afrique de l’Ouest et du Centre | Nigéria | 36,4 | -15,3 | 779,4 | 758,3 | 21;1 | 3% |
Cameroun | -16,2 | 20,2 | 271,1 | 267,1 | 4 | 2% | |
Burkina Faso | 1,5 | -10,3 | 242,5 | 251,3 | -8,8 | -4% | |
Côte d’Ivoire | 3,1 | 12,3 | 229,1 | 213,7 | 15,4 | 7% | |
Mali | 1,3 | -13,7 | 179,6 | 192 | -12,4 | -6% | |
Afrique de l’Est et australe | Mozambique | -57,5 | -27,1 | 770,6 | 855,2 | -84,6 | -10% |
Tanzanie (République Unie) | -41,4 | -16,2 | 552,9 | 610,5 | -57,6 | -9% | |
Afrique du Sud | -53,3 | -50 | 536 | 639,3 | -103,3 | -16% | |
Zimbabwe | -45 | 36,7 | 504,8 | 513,1 | -8,3 | -2% | |
Ethiopie | 23,8 | -46,5 | 427,6 | 450,3 | -22,7 | -5% |
Source: Rapport du Fonds mondial sur l’ajustement qualitatif pour l’allocation 2023-2025
Parmi les pays inclus dans le rapport, ceux dont les allocations étaient importantes ont perdu des ressources après les ajustements qualitatifs, à l’exception du Nigéria et du Cameroun. Le Fonds mondial a énuméré les raisons expliquant les gains après les ajustements qualitatifs et les raisons inverses expliquant les ajustements réduits.
Parmi les facteurs susceptibles d’augmenter ou (de diminuer) la capacité d’absorption des fonds lors du prochain cycle de subvention que le Secrétariat du Fonds mondial a pris en compte, on peut citer les elements suivants:
De nombreux pays ayant des allocations importantes ou faibles, comme l’Afrique du Sud ou le Gabon, ont reçu des allocations finales inférieures aux montants dérivés de la formule ; de nombreux pays, grands ou petits, comme le Nigéria ou le Rwanda, ont obtenu plus de ressources grâce aux ajustements. Certains pays classés dans la catégorie des ” contextes d’intervention difficiles “, tels que le Burkina Faso, ont perdu des ressources, tandis que d’autres, comme le Tchad, en ont gagné.