Le Cameroun, situé en Afrique centrale, fait partie des 30 pays à forte charge de morbidité liée à la tuberculose dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Publié récemment, le rapport des résultats en 2022 du Fonds mondial dévoile que le Cameroun comptait l’année dernière 25 000 personnes sous traitement antituberculeux, 150 personnes sous traitement contre la tuberculose pharmaco-résistante, 4 200 patients tuberculeux et séropositifs au VIH sous traitement antirétroviral et 6 800 personnes exposées à la tuberculose ayant reçu un traitement préventif.
Le même rapport révèle les taux de progression louables des efforts de lutte contre la TB au Cameroun depuis 2010 comme suit:
La couverture du traitement antituberculeux est passée de 47 % en 2010 à 50 % en 2021; le taux de réussite du traitement antituberculeux (toutes formes de tuberculose) est passé de 78 % en 2010 à 86 % en 2020, le taux de réussite du traitement contre la tuberculose multirésistante qui était de 89 % en 2010 est descendu à 83 % en 2019; le taux de patients porteurs de la tuberculose et séropositifs sous antirétroviraux quant à lui est passé de 51 % en 2010 à 99 % en 2021.
Par ailleurs, selon le magazine actuCameroun, plus de 22 000 personnes ont été touchées par la TB au Cameroun en 2021 et 5,1% des cas concernaient des enfants âgés de 0 à 14 ans et que 98% des patients atteints de tuberculose et de VIH prennent des médicaments antirétroviraux.
Le plan stratégique national du Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNLT) au Cameroun pour la période 2020-2024 (PSN 2020-2024) constitue le cadre de référence des interventions de lutte contre la TB dans le pays. Sa vision est « un Cameroun sans tuberculose: zéro décès, plus de morbidité ni de souffrances dus à la tuberculose » et sa mission consiste à mettre fin à la tuberculose au Cameroun à l’horizon 2030 ». Pour réaliser sa mission, le PSN a mis en place une stratégie nationale basée sur le dépistage et le diagnostic précoce des cas de TB, le traitement correct des malades; la prévention de la maladie; la participation communautaire; la formation des personnels de santé; le plaidoyer, la communication et la mobilisation sociale; la surveillance épidémiologique; le dépistage et la prise en charge systématique du VIH chez le patient tuberculeux et de la tuberculose chez le patient VIH (activités conjointes TB/VIH); la détection précoce et la prise en charge de la TB-MR.
En outre, la riposte à la tuberculose au Cameroun est décentralisée. La décentralisation est en effet une stratégie visant à rendre les services de diagnostic et de traitement plus accessibles et plus équitables pour la population. Ainsi, le pays dispose de 254 centres de diagnostic et de traitement contre la tuberculose dans ses 10 régions, et le gouvernement du Cameroun s’est engagé à financer la gratuité du traitement.
Bien que structurée de manière remarquable tel que présenté précédemment, la lutte contre la TB au Cameroun ne se déroule pas sans anicroches, comme l’illustrent les nombreux défis relevés dans la mise en œuvre des interventions sur le terrain parmi lesquelles figurent les pénuries de vaccins BCG et les ruptures de stocks de médicaments antituberculeux constatés ces dernières années, entre autres.
A titre illustratif, selon l’ONG Positive Generation qui œuvre pour la promotion du droit à la santé au Cameroun, les ruptures de stocks de médicaments antituberculeux sont fréquentes dans les hôpitaux du pays depuis le début de l’année 2023. L’ONG a ainsi enregistré des taux de rupture variant entre 9% et 20% selon les mois et les régions.
Il est évident que ces ruptures de stocks ne peuvent qu’entraîner des conséquences néfastes sur la santé des populations affectées, notamment, la résistance aux médicaments antituberculeux.
Par ailleurs, de l’avis d’un spécialiste de la lutte contre la TB au Cameroun qui a requis l’anonymat, les ruptures de stocks à répétition sapent la confiance du public, le financement national n’augmente pas de manière sensible, la contribution de la société civile reste peu visible et peut être qualifiée de folklorique, le traitement préventif court n’est pas introduit au Cameroun et la prévention concerne seulement les PVVIH et les moins de 5 ans.
En outre, les effets négatifs suivants ont été soulignés:
Pour ce qui est du vaccin BCG, d’après VOA Afrique, le Cameroun a connu plusieurs ruptures de stock du vaccin BCG ces dernières années, ce qui a compromis la prévention de la tuberculose chez les nourrissons. Le vaccin BCG est administré aux enfants dès la naissance et assure une protection de 20 ans contre la tuberculose.
Cette pénurie du vaccin BCG au Cameroun a eu des conséquences négatives sur la santé des populations. En effet, pour Jean Louis Abena, médecin-spécialiste de santé publique et ancien secrétaire permanent du Programme national de lutte contre la tuberculose, tel que relaté dans l’article sur la Pénurie de vaccins contre la TB au Cameroun , la conséquence directe est « une désaffection des populations vis-à-vis de la vaccination et une demande non satisfaite de vaccins ». Laquelle « donne lieu à une baisse de la performance du programme qui se verra obligé d’organiser des campagnes de communication pour rattraper les perdus de vue. Il faut savoir que la performance est liée à la confiance des populations envers le système de santé» .)
Outre l’impact de la Covid qui a ralenti les progrès de la riposte à la TB dans de nombreux pays de par le monde, le Cameroun fait face à plusieurs obstacles dans la lutte contre cette maladie, notamment ceux rapportés dans l’article disponible ICI .
Il s’agit notamment du faible taux de dépistage des cas (seulement 48% des cas estimés sont détectés), du manque d’accès aux services de santé (surtout dans les zones rurales et en situation de crise humanitaire), du retard dans le diagnostic et l’initiation du traitement (ce qui favorise la transmission et l’apparition de formes résistantes aux médicaments), du faible taux d’achèvement du traitement (seulement 83% des patients guérissent), et du manque de sensibilisation et de mobilisation sociale autour de cette maladie (qui reste stigmatisée et méconnue).
Par ailleurs, selon l’article sur la Distribution des médicaments au Cameroun, les problèmes de rupture de stocks auxquels fait face le Cameroun peuvent s’expliquer par les facteurs suivants entre autres:
Le Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) a élaboré un plan stratégique national (PSN 2023-2026) pour combler le gap des cas manquants et réduire l’incidence et la mortalité de la tuberculose au Cameroun. Ce plan prévoit notamment l’extension de l’offre de diagnostic, l’intensification de la recherche active des cas, le renforcement du suivi des patients et l’amélioration de l’approvisionnement en médicaments antituberculeux.
Le Dr Malachie Manaouda, Ministre de la santé publique, quant à lui a appelé à une mobilisation générale pour relancer les activités liées à cette maladie : « Nous devons renforcer le dépistage actif des cas de tuberculose, notamment chez les personnes vivant avec le VIH, les contacts des cas de tuberculose, les personnes présentant des symptômes respiratoires et les personnes à risque. Nous devons également assurer la prise en charge adéquate des patients, en garantissant l’accès aux médicaments, aux examens biologiques et au soutien psychosocial » a-t-il déclaré.
Le Ministre a également plaidé pour une meilleure coordination entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la tuberculose, notamment les partenaires techniques et financiers, les organisations de la société civile, les médias et les leaders communautaires.
Il a enfin annoncé que le gouvernement allait mettre en place un plan d’urgence pour accélérer la lutte contre la tuberculose, avec l’appui du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui est le principal bailleur de fonds de la lutte contre la tuberculose au Cameroun. (Voir ici l’article )
La combinaison de tous ces efforts peut-elle permettre de «Mettre fin à la tuberculose au Cameroun à l’horizon 2030» tel que stipulé dans le PSN 2020-2024? Au vu de tous les défis à relever d’ici cette échéance qui est proche, il est permis d’en douter.
A l’échelle mondiale toutefois, la dernière réunion de haut niveau des Nations Unies sur la tuberculose tenue le 22 septembre 2023 lors de la 78ème session de l’Assemblée générale, a débouché sur une déclaration politique très appréciée, dont les objectifs pour les cinq prochaines années comprennent entre autres:
Seule la réalisation effective de ces objectifs ambitieux pourrait changer la donne pour tous les pays affectés par la tuberculose dont le Cameroun.
Rose Meku