Le 4 juin 2024, le Bureau de la circonscription africaine a organisé un webinaire intitulé “Autonomiser l’Afrique: Actions concertées contre le paludisme”. Au total, 85 participants issus des circonscriptions africaines et des partenaires techniques se sont rassemblés pour débattre de la problématique du paludisme. La réunion a permis de partager des approches, des technologies et des interventions innovantes qui ont contribué à faire progresser les efforts de lutte contre le paludisme et d’élimination de cette maladie dans certains pays, ainsi que de discuter de stratégies visant à remédier aux disparités dans le fardeau du paludisme et dans l’accès aux services, en mettant l’accent sur les populations/régions vulnérables. En outre, les participants à la réunion ont évoqué la prise de conscience par les parties prenantes de la nécessité absolue d’un investissement et d’un engagement soutenus dans les initiatives de lutte contre le paludisme et d’élimination de cette maladie.
En 2022, environ 166 millions de cas de paludisme et 423 000 décès dus à cette maladie ont été recensés, dans 12 pays principalement. 11 de ces pays (Burkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Ghana, Mali, Mozambique, Niger, Nigéria, Soudan, Ouganda et République-Unie de Tanzanie) se trouvent en Afrique, tandis que l’Asie ne compte qu’un seul pays, l’Inde. Collectivement, ces 12 pays étaient responsables de plus de 70 % de l’incidence mondiale du paludisme et de 73 % de la mortalité due à cette maladie.
L’Afrique reste confrontée à la dure réalité du paludisme. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 94 % des décès dus au paludisme surviennent en Afrique. Les données de 2022 montrent que 608 000 personnes ont perdu la vie et que 249 millions de nouveaux cas ont été recensés en Afrique.
En mars 2024, les dirigeants africains ont pris un engagement important par l’adoption de la déclaration de Yaoundé sur le paludisme. Cette déclaration témoigne d’une détermination collective à intensifier les efforts de lutte contre le paludisme et à réduire de manière significative les décès liés à cette maladie. Elle souligne l’importance de l’approche “d’une charge élevée à un fort impact”, qui repose sur quatre piliers clés: la volonté politique, l’utilisation stratégique de l’information pour l’action, une meilleure orientation technique et la coordination. En outre, la déclaration souligne l’importance de systèmes de santé nationaux fonctionnels et l’adoption d’une approche multisectorielle pour une riposte durable au paludisme sur l’ensemble du continent.
Le paludisme reste un problème majeur à l’échelle mondiale et nous ne sommes pas en voie de mettre fin à la menace qu’il représente d’ici 2030. Il est essentiel d’intensifier nos efforts, de préserver les progrès déjà accomplis et de vaincre cette maladie.
Le Dr Maru, de l’OMS Afro, a souligné que le Fonds mondial a pour objectif de réduire la mortalité due au paludisme de 90 % d’ici 2030, avec des cibles de 40 % d’ici 2020 et de 75 % d’ici 2025. Ces objectifs ne sont pas encore atteints.
La lutte contre le paludisme est semée d’embûches. Bien que des progrès aient été accomplis en matière d’élimination du paludisme dans 11 pays hors d’Afrique et que le nombre de régions endémiques ait été ramené de 93 en 2015 à 84, le fardeau du paludisme en Afrique reste élevé. Parmi les principaux problèmes, figurent une épidémiologie complexe, la faiblesse des systèmes de santé, la pauvreté, la résistance aux insecticides et aux médicaments, et les perturbations des services de santé dues aux conflits.
Le paludisme reste un redoutable problème de santé publique dans toute l’Afrique, et le rôle des circonscriptions africaines au sein du Fonds mondial est essentiel dans la lutte contre cette maladie. Grâce à une planification stratégique, un engagement actif et des efforts de collaboration, le BCA réunit les deux circonscriptions pour travailler à l’éradication du paludisme, à l’amélioration des résultats sanitaires et à la résolution des problèmes multiformes qui entravent les progrès.
Le Bureau joue un rôle essentiel en ce sens qu’il rassemble les deux circonscriptions africaines et qu’il soutient les comités et le conseil d’administration pour faire avancer les discussions sur le paludisme. Les comités et le conseil d’administration se consacrent à l’examen et à l’élaboration de stratégies destinées à favoriser les progrès en vue de l’éradication de la maladie. Nous prônons notamment la collaboration en faveur de soins de santé primaires efficaces, de laboratoires de qualité et du renforcement des systèmes de santé, qui sont au cœur des points inscrits à l’ordre du jour, dans le but de renforcer l’autonomie du continent africain.
Les principales priorités comprennent:
En Zambie, le paludisme est endémique. Cette maladie est un problème de santé important qui représente plus de 30 % de la charge de morbidité. Elle est l’une des principales causes de mortalité dans le pays. Les principales interventions mises en œuvre par le pays sont les suivantes:
En outre, la Zambie a utilisé des systèmes de surveillance qui intègrent des données de haute qualité et des outils nouveaux permettant d’utiliser d’autres sources, telles que les données climatiques et entomologiques, pour les systèmes d’alerte précoce. Cette intervention s’est inscrite dans le cadre de la décentralisation et a mis l’accent sur la prise de décision et l’appropriation au niveau communautaire. Le Conseil pour la lutte contre le paludisme, le soutien national et celui des bailleurs de fonds, ainsi qu’un appui supplémentaire de la part des communautés religieuses et du secteur privé, ont également contribué au financement des interventions. Malgré ces efforts concertés, la Zambie a enregistré une augmentation de 5 % des cas de paludisme, passant de 8,1 millions en 2022 à environ 11,1 millions, ce qui reflète une tendance d’augmentation de l’incidence du paludisme à l’échelle continentale.
L’élimination du paludisme représente un défi considérable en ce qui concerne la synchronisation des priorités spécifiques à chaque pays avec celles des bailleurs de fonds. Ce problème est parfaitement illustré par le cas du Ghana, où la stratégie nationale d’élimination du paludisme s’articule autour de la lutte antivectorielle, en particulier la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticide à effet rémanent (PID) et la gestion des gîtes larvaires. Le Fonds mondial a toujours été un fervent défenseur des moustiquaires au détriment de la PID et de la gestion des sources larvaires, en raison du coût élevé de ces dernières.
En réponse à cette discordance, le Ghana a stratégiquement présenté un argumentaire convaincant en faveur de la poursuite de la mise en œuvre de la PID, en mettant en relief l’inefficacité de l’utilisation des moustiquaires dans certaines régions, notamment en raison des températures élevées dans le nord du pays. Le pays a collaboré avec l’Instance de coordination nationale (ICN) et procédé à un exercice national de priorisation pour faire valoir la nécessité des PID. Cette action concertée a abouti à un consensus qui a permis d’approuver la mise en œuvre de la PID pour une période d’un an, suivie d’une recherche opérationnelle visant à valider son efficacité au cours des deux années suivantes.
Les partenariats ont joué un rôle essentiel dans cette initiative, le gouvernement, le Fonds mondial et l’ICN collaborant activement à l’alignement des priorités et des stratégies. Parmi les principales leçons tirées de cette expérience, nous pouvons citer l’importance d’une prise de décision fondée sur les données, la promotion de l’appropriation par le pays, la mobilisation des populations clés et vulnérables et l’établissement d’un consensus entre les parties prenantes pour aligner les partenaires de développement sur les objectifs nationaux.
Pour l’avenir, les recommandations issues de l’expérience du Ghana soulignent la nécessité cruciale pour les pays de mettre en place des institutions solides, de responsabiliser les communautés et de mettre à profit le dialogue pour faire avancer les programmes nationaux. Les bailleurs de fonds sont encouragés à soutenir des solutions locales adaptées aux besoins spécifiques des pays bénéficiaires. En outre, le renforcement de partenariats efficaces et des capacités locales est primordial pour concrétiser les principes des interventions menées par les pays et de l’appropriation par les pays, tels que préconisés par des initiatives telles que le Fonds mondial.
L’expérience du Ghana dans la recherche d’un équilibre entre les priorités du pays et celles des donateurs dans le cadre des programmes d’élimination du paludisme offre de précieuses perspectives aux décideurs politiques et aux praticiens au niveau mondial. En adoptant des décisions fondées sur des données, en encourageant l’appropriation par les pays et en favorisant les partenariats fondés sur des solutions locales, les pays peuvent faire avancer efficacement leurs programmes d’élimination du paludisme tout en s’alignant sur les diverses priorités des partenaires de développement.
Depuis 2018, des investissements importants du Fonds mondial, s’élevant à plus de 50 millions de dollars, ont été consacrés à la lutte contre le paludisme et notamment la lutte contre les moustiques résistants et au profit des enfants de moins de cinq ans. Les efforts comprennent:
– Des subventions pour le dépistage et le traitement mettant l’accent sur des soins de santé en temps utile.
– L’augmentation du nombre d’agents de santé formés pour l’éducation et la sensibilisation
– l’extension de la mise en œuvre des vaccins antipaludiques.
Malgré les progrès accomplis, des difficultés persistent en raison de l’impact de la COVID-19 sur la prestation de services, de la résistance aux médicaments et aux insecticides, du changement climatique et de l’accès limité aux soins de santé. Le nombre de cas de paludisme et de décès a augmenté dans les pays à forte charge de morbidité, ce qui freine la réalisation des objectifs mondiaux de réduction de la maladie d’ici 2025. L’augmentation des investissements, la surveillance innovante des maladies, le renforcement des systèmes de santé, la promotion de l’équité et le respect des engagements pris lors de réunions de haut niveau telles que la déclaration de Yaoundé constituent des étapes cruciales.
Les engagements des ministres africains, énoncés dans la déclaration de Yaoundé, mettent l’accent sur la réduction de la mortalité due au paludisme, le recours aux agents de santé communautaires et l’amélioration de la surveillance et des infrastructures. La cartographie des facteurs de mortalité, l’engagement des parties prenantes et l’intégration de cadres de redevabilité sont des stratégies essentielles.
La lutte contre le paludisme en Afrique requiert des efforts soutenus, des solutions innovantes et des engagements forts de la part de toutes les parties prenantes. L’autonomisation des circonscriptions africaines, le renforcement des efforts de collaboration et la concentration sur des interventions stratégiques laissent espérer des progrès significatifs vers l’éradication du paludisme d’ici 2030. Les expériences de la Zambie et du Ghana illustrent les défis et les succès de ce combat crucial, soulignant la nécessité d’une vigilance constante et de mesures proactives.
Armelle Nyobe