En 2012, une résolution des Ministres africains de la santé, statuait sur la mise en place du bureau de la circonscription africaine en vue de soutenir et d’améliorer la qualité de la représentation des deux circonscriptions au sein du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Ledit bureau a ainsi vu le jour en 2017 et bénéficie d’un appui financier principalement du Fonds mondial, de la Bill and Melinda Gates Foundation (BMGF) et de L’initiative.
Le Bureau a aujourd’hui cinq ans qui résonnent comme un moment clé dans la vie de l’institution. Une occasion de faire le point sur son existence. Il était donc temps que des évaluations soient menées en vue d’analyser l’état de progression du plaidoyer et de l’influence ainsi que la prise en compte des priorités / intérêts de l’Afrique dans les décisions du Conseil d’administration et des comités du Fonds mondial via l’action du BCAd’analyser les réalisations du BCA, son adaptabilité au paysage changeant, la pertinence et l’importance stratégiques du BCA, sa capacité, son efficacité et sa viabilité, les facteurs qui peuvent faciliter ou limiter l’objectif d’étendre la plateforme du BCA au-delà du Fonds mondial; et les principales leçons positives et négatives tirées du financement d’une organisation naissante. Ces évaluations ont été menées conjointement par BMGF et L’Initiative.
Les résultats des évaluations ont révélé des points forts et des faiblesses ou défis comme on peut légitimement s’y attendre pour toute institution, et à fortiori une jeune organisation.
Le BCA a été décrit comme une structure qui a fait ses preuves en peu de temps pour améliorer la représentation des circonscriptions africaines au CA du FM, et ceci, grâce au travail acharné et efficace d’une petite équipe constituée au départ uniquement du Directeur exécutif, du Responsable administratif et financier et de la spécialiste en communication dont les efforts méritent d’être reconnus à leur juste valeur. La redevabilité du BCA en termes de pertinence, de cohérence et d’efficacité est excellente.
Parmi les points forts, figurent la solidité de la gouvernance du BCA avec de bons documents (plan stratégique, plan opérationnel et plan de plaidoyer) qui sont bien faits mais mettent très haut la barre de la réussite pour le BCA, la formation adéquate des représentants africains pour exercer leur mandat et leur influence, l’amélioration de la représentation des circonscriptions africaines au FM grâce à l’intervention du BCA dans le processus de sélection, la formation et le soutien aux représentants, l’opérationnalité des ressources humaines qui connaissent bien le portefeuille et les priorités des pays, la reconnaissance du personnel du BCA et des représentants africains par le secrétariat du Fonds mondial (FM).
En outre, le contrôle interne financier et son suivi sont de bonne facture grâce à des ressources de qualité ; les audits financiers ne font pas exception.
D’un point de vue programmatique, le BCA mène de manière satisfaisante les activités telles que décrites dans le plan opérationnel 2022-2025. Les argumentaires sont jugés de bonne qualité. Au niveau des pays, le degré de satisfaction de la préparation par le BCA des réunions préalables à celle du CA du FM sur l’élaboration des argumentaires est bon avec 94 % des CCM qui jugent cette préparation très satisfaisante ou satisfaisante. Les argumentaires en lien avec les préoccupations des pays lors des rencontres annuelles consultatives (RAC), des réunions de réseaux d’apprentissage régionaux (RA), des appels téléphoniques informels ; ce qui les rend pertinents et appréciés des pays qui se sentent écoutés.
Dans une large mesure, le BCA a réussi à soutenir et à galvaniser un engagement et une participation significatifs des circonscriptions et des pays des circonscriptions d’Afrique au sein du CA et des comités connexes du Fonds mondial. Les évaluations ont en effet démontré que tous les pays ont été informés et sensibilisés au processus d’élection des membres du Conseil d’administration et des comités, et ont tous la possibilité de désigner des candidats; les membres du Conseil d’administration sont bien préparés et reçoivent des notes de synthèse et des points de discussion, la recherche d’un consensus et l’engagement entre les circonscriptions africaines et les pays constitutifs ont permis aux délégués africains d’avoir une position commune, par exemple lorsqu’ils ont apporté leur contribution à la stratégie 2023-28 du Fonds mondial. Le projet est donc jugé efficace.
En outre, Les circonscriptions africaines ont une influence croissante lors des réunions du CA et des comités du Fonds mondial. Cela est démontré par l’engagement et la participation active aux questions clés pendant les réunions, par exemple sur la répartition des allocations entre les maladies pendant les sessions d’élaboration de la stratégie. Les représentants africains sein du CA ont pu galvaniser le soutien d’autres circonscriptions.
Autres points forts qui ont été appréciés entre autres: le mentoring des anciens par les nouveaux représentants et la période de chevauchement qui sont de bonnes pratiques pour une transition réussie, le recrutement de personnel venant de régions différentes qui est une bonne pratique existante et à développer, l’invitation d’ONG nationales et/ou communautaires dans les réunions de réseaux d’apprentissage (RA) pour renforcer le lien avec la Société civile et les communautés, la documentation bilingue préparatoire à la RAC pour permettre aux participants de soumettre leurs idées plus aisément; les RA qui sont d’excellents vecteurs d’expression des besoins du terrain et de diffusion d’apprentissage nouveaux; les rapports restés proches avec AIDSPAN permettant d’utiliser l’OFM comme canal d’information même si cela s’avère insuffisant comme canal de transmission des retours du CA.
Pour ce qui est des faiblesses et des défis, l’on relève en particulier le manque d’implication des Ministres de la santé africains qui sont pourtant les fondateurs de l’organisation, le manque de temps d’encadrement et de moyens humains pour mettre en œuvre plus de recherche mais surtout la capitalisation des expériences réussies, une cohérence externe insuffisante vis-à-vis de la société civile africaine, des mécanismes de communication plus efficaces dans certains pays que dans d’autres, car dépendant de l’efficacité du leadership et du positionnement de l’Instance de coordination nationale (ICN).
Par ailleurs, de manière générale, même si les pays reconnaissent une augmentation graduelle de la qualité de leur représentation au niveau des instances de gouvernance du FM, les résultats produits dans l’immédiat restent mitigés. Les ICN considèrent en effet dans 53 % des cas que la représentation n’a permis que « moyennement » aux circonscriptions africaines d’obtenir les décisions du CA qu’elles souhaitent.
L’évaluation note également que les efforts déployés pour améliorer la visibilité et la connaissance du BCA au-delà des structures habituelles du Fonds mondial dans les pays (ICN) n’ont eu qu’un succès limité et, par conséquent, la connaissance du BCA aux niveaux politiques supérieurs des Ministères de la Santé et des Ministères des Finances est restreinte. En effet, jusqu’à présent, le BCA s’est concentré sur les questions programmatiques et non sur la visibilité et l’influence politique.
Des difficultés en ce qui concerne les discussions et la résolution des questions liées à la mobilisation de ressources africaines pour le BCA ou à l’élargissement de l’agenda et de la portée du BCA au-delà du Fonds mondial ont par ailleurs été relevés ainsi que le dispositif de financement actuel du BCA qui est fortement dépendant des bailleurs de fonds et ne garantit pas la viabilité du BCA, ni ne fournit de voies spécifiques pour y parvenir. En outre, à ce jour, aucun financement n’a encore été obtenu des gouvernements africains, bien que le BCA ait été créé par une résolution des Ministres africains de la santé. Cette situation, selon les évaluateurs, risque de rester problématique compte tenu des contraintes économiques mondiales actuelles.
Autre point souligné, les questions de droits humains et de genre qui sont encore loin des préoccupations prioritaires des pays africains. Le BCA insiste néanmoins pour les faire rentrer comme une priorité dans les argumentaires et les prises de parole des circonscriptions.
Il a en outre été noté qu’il n’existe pas de plan de suivi-évaluation global ou de cadre de résultats pour le BCA qui définit les objectifs généraux pour la durée du Plan stratégique. En effet, le plan de S&E actuel, bien que généralement aligné sur le Plan stratégique, a été élaboré pour le projet de L’Initiative, d’une durée de deux ans.
En conclusion et comme perspective, Les pays de la circonscription, le conseil d’administration du BCA et d’autres partenaires de développement, y compris le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies en Afrique (Africa CDC), le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique (AFRO) et l’ONUSIDA, ont tous reconnu l’importance stratégique et la pertinence du BCA. Le BCA s’est engagé et a commencé à établir des partenariats avec différents partenaires régionaux, notamment l’Union africaine (UA), l’ONUSIDA, l’OMS/AFRO et CDC Afrique. Par ailleurs, le Directeur exécutif du BCA a assuré un bon leadership en ce qui concerne la participation de l’Afrique au Fonds mondial et est très respecté par ses collègues mais l’équipe dirigeante n’a pas encore réussi à établir des relations tangibles avec les entités régionales africaines et n’a pas encore réalisé de progrès significatifs en ce qui concerne l’extension à d’autres initiatives de santé
L’efficience est difficile à estimer car rien ne se compare au BCA mais l’équipe fait au mieux avec les ressources financières dont elle dispose. L’évaluation conjointe a également fait observer que l’investissement dans la consolidation de la marque et de la visibilité est un élément nécessaire/préalable à la diversification de la base de financement du BCA.
Il va sans dire que le financement intérieur par les parties prenantes est plus que nécessaire pour sortir progressivement de la dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds externes au continent et à cet effet, le BCA a pour objectif à l’horizon d’une décennie d’être financé par les gouvernements africains pour une meilleure appropriation des problèmes de santé de l’Afrique par les africains.
Rose Meku