Les circonscriptions africaines demandent au moins un siège supplémentaire avec droit de vote au conseil d’administration du Fonds mondial. Le CA est actuellement composé de 28 membres: dix donateurs, dix responsables de mise en œuvre avec droit de vote et huit membres sans droit de vote. Parmi les responsables de mise en œuvre, on retrouve deux membres votants des circonscriptions africaines, l’un pour l’Afrique de l’Est et australe (AEA), qui compte 22 pays, et l’autre pour l’Afrique de l’Ouest et centrale (AOC), qui compte 24 pays. Trois sièges sont réservés aux organisations non étatiques et cinq à d’autres circonscriptions gouvernementales représentant d’autres régions du monde telles que la région de la Méditerranée orientale, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, l’Amérique latine et le Pacifique occidental.
C’est une question d’efficacité, de rentabilité et d’équité
Les circonscriptions de l’AOC et de l’AEA abritent ensemble environ 1,2 milliard de personnes, dont 70 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), 23 % des personnes atteintes de tuberculose et 96 % des cas de paludisme dans le monde. Ces deux circonscriptions regroupent 21 pays à faible revenu, 18 pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et un pays à revenu élevé (l’Afrique du Sud). Cette charge de morbidité élevée associée à des revenus plus faibles est l’une des raisons pour lesquelles les deux régions africaines reçoivent plus de 70 % des ressources du Fonds mondial.
Mais bien que l’Afrique reçoive 70 % des ressources, elle ne représente qu’à peine 20 % des responsables de mise en œuvre. En fait, cette composition rend l’engagement des circonscriptions et la gouvernance complexes. Comment les membres décident-ils des points de l’ordre du jour et des positions qui reflètent les points de vue de toutes les circonscriptions? Quel est l’impact et l’efficacité des décisions prises dans un modèle de gouvernance où ceux qui reçoivent 70 % des fonds et sont responsables d’une proportion similaire des résultats sont à égalité avec ceux qui reçoivent, par exemple, 5 % des ressources? Cette répartition des sièges est-elle équitable?
Cette question de l’équité n’est pas seulement une question de morale ou de justice. Elle est synonyme de vies sauvées ou d’opportunités manquées.
Afrique du Sud et Sud Soudan: des mondes séparés mais une même voix
Pour vous donner un exemple pratique de l’engagement et de la position des circonscriptions, prenons la circonscription de l’AEA. À son extrémité sud se trouve l’Afrique du Sud, dont l’économie est la plus riche de l’Afrique subsaharienne et qui compte sept millions de personnes vivant avec le VIH. À l’extrémité nord de la circonscription de l’AEA se trouve le Sud-Soudan. Sa population de 11 millions d’habitants est à peine supérieure de 35 % au nombre total de personnes vivant avec le VIH en Afrique du Sud. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant du Sud-Soudan, qui s’élève à 1072 dollars, représente environ 15 % de celui de l’Afrique du Sud, qui s’élève à 6 777 dollars, selon les données de la Banque mondiale. Le Sud-Soudan a émergé de décennies de guerre civile et est devenu indépendant en 2011. Le jeune pays est toujours en phase de construction nationale, avec des guerres civiles qui éclatent de temps en temps. L’Afrique du Sud existe depuis 1910 et dispose d’un cadre institutionnel plus solide (même s’il est souvent mis à l’épreuve).
Quelle est la probabilité que ces deux pays aient les mêmes priorités et les mêmes centres d’intérêt? Il ne s’agit là que de deux pays sur 22. Dans quelle mesure une seule personne (même avec un secrétariat efficace) peut-elle représenter l’ensemble de ces pays de manière significative et présenter leurs problèmes de manière adéquate?
Si nous prenons l’exemple de la discussion du Fonds mondial sur le façonnage des marchés, un dialogue essentiel qui a des implications pour l’Afrique et la sécurité sanitaire mondiale, il est clair que les réponses pratiques à cette question aux multiples facettes seront différentes en Afrique du Sud et au Sud-Soudan.
En Afrique du Sud, l’accent est mis à juste titre sur le renforcement de la production nationale de produits de santé essentiels, tels que les médicaments antirétroviraux (ARV), les vaccins et divers produits de santé. Cette approche correspond aux capacités et aux ressources du pays, lui permettant de répondre efficacement aux besoins de sa population en matière de soins de santé. À l’inverse, le Sud-Soudan est confronté à un ensemble de défis tout à fait différents. Il ne dispose pas d’une industrie pharmaceutique solide, ce qui fait de la fabrication locale de produits de santé un objectif irréalisable dans le cadre du cycle triennal du Fonds mondial. Le pays est plutôt confronté aux subtilités de la politique de sauvegarde additionnelle. Ici, la priorité absolue est le développement de systèmes suffisamment solides pour gagner la confiance du Secrétariat du Fonds mondial, en particulier lorsqu’il s’agit de s’appuyer sur le ministère de la santé du pays ou d’autres entités locales en tant que principaux récipiendaires des subventions du Fonds mondial. Jusqu’à présent, seules les agences des Nations unies ont joué ce rôle au Sud-Soudan.
Il est à noter que le façonnage des marchés ne constitue que l’une des quelque vingt questions d’actualité débattues lors des réunions du conseil d’administration du Fonds
mondial. Il est important de soutenir tous les pays de manière adéquate et pas seulement ceux qui sont faciles à soutenir.
Voix dissidentes
Les détracteurs d’une représentation accrue et améliorée des gouvernements africains affirment que les Africains sont mieux entendus à travers le siège des communautés et des organisations de la société civile. Comment les organisations de la société civile (OSC) peuvent-elles représenter des pays entiers et des gouvernements nationaux? Le travail des OSC complète plutôt celui des gouvernements sur lesquels repose légalement la responsabilité de la prise en charge de leur population et qui doivent être présents à la table pour discuter de diverses questions telles que le cadre politique, l’élaboration des lois, la pérennité et la transition, la réglementation de l’industrie et d’autres questions d’intérêt public au niveau national.
D’autres critiques affirment que le siège de la région de la Méditérannée Orientale représente l’Afrique parce que cette circonscription comprend des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Cela suscite des questions sur deux points, à savoir la situation de l’Afrique du Nord est différente de celle des circonscriptions de l’AEA et de l’AOC à bien des égards, notamment sur le plan épidémiologique. D’autre part, il serait très étrange que les pays du Moyen-Orient, situés en dehors du continent africain, soient considérés comme des représentants de l’Afrique. Publié à l’origine par AIDSPAN. Pour en savoir plus, lire ici.