Vingt-et-un délégués d’Afrique de l’Est et australe (AEA) et d’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), conduits par le président du conseil d’administration du Bureau de la Circonscription Africaine, le Dr Jean Jacques Mbungani, ont participé à la 49ème réunion du conseil d’administration du Fonds mondial à Hanoï, au Viêt Nam. Plusieurs sessions préalables et réunions bilatérales ont été tenues avant la réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial qui s’est déroulée du 10 au 11 mai 2023. Le Fonds mondial a renoué avec sa tradition de rassembler ses circonscriptions dans les pays chargés de la mise en œuvre, Hanoï, au Viêt Nam, étant le lieu choisi pour la réunion.
La délégation comprenait des membres venus de la Sierra Leone, de la Tanzanie, du Niger, de la Mauritanie, du Kenya et de l’Afrique du Sud, tous soutenus par des membres des comités. Les autres membres du conseil d’administration étaient représentés par le Dr Magda Robalo, membre suppléant du conseil d’administration de l’AOC, Mme Susan Mochache et le Dr Charles Mwansambo, membres titulaire et suppléant du conseil d’administration de l’AEA respectivement. La délégation était soutenue par son secrétariat, le Bureau de la circonscription africaine. La réunion a permis de réfléchir aux progrès réalisés dans le cadre du partenariat avec le Fonds mondial, tout en abordant des questions politiques épineuses qui ont un impact sur l’éradication des trois maladies et en menant une réflexion sur la collaboration dans le cadre de la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie pour la période 2023-2028.
Des progrès notables ont été enregistrés dans la réalisation des objectifs 95-95-95 en Afrique de l’Est et australe. Le paludisme reste une menace importante, en particulier en Afrique de l’Ouest et du Centre. En Afrique de l’Est et australe, une résistance aux médicaments et aux insecticides a été observée. D’autres facteurs contribuent par ailleurs à la persistance de la menace du paludisme, notamment l’incapacité des tests de diagnostic rapide à détecter les parasites du paludisme et la propagation de nouveaux vecteurs du paludisme qui ont un impact négatif sur les progrès accomplis dans le cadre des programmes de lutte contre le paludisme. La lutte contre la tuberculose enregistre des progrès, mais ceux-ci sont encore lents. Ce point a été souligné lors du déjeuner francophone organisé par l’ambassadrice de France pour la santé mondiale, S.E. Anne-Claire Amprou, dont le thème était axé sur les défis à relever dans la lutte contre la tuberculose, notamment en ce qui concerne la tuberculose infantile en recrudescence, mais ne disposant pas d’un traitement adéquat actuellement. La recherche de cas manquants, en particulier au sein des populations clés et vulnérables, le traitement des personnes atteintes de tuberculose, dont celles présentant une résistance aux antituberculeux, l’absence de prévention intensive, l’amélioration de l’accès à un diagnostic, un traitement, des soins et un soutien de qualité, ainsi qu’un déficit de financement persistant constituent autant de facteurs qui font obstacle à la lutte contre la tuberculose.
En prélude à cette réunion du CA du Fonds mondial dont le programme qui s’étendait sur deux jours était particulièrement chargé, les dirigeants africains ont engagé plusieurs discussions bilatérales avec d’autres circonscriptions dans l’optique de faire connaître leur position sur des questions essentielles telles que la mise en œuvre des subventions dans les pays fragiles, également connus sous le nom de contextes d’intervention difficiles, ainsi que les mesures de sauvegarde additionnelles (PSA), les droits humains, le fonds de lutte contre les pandémies, la fabrication et l’achat de produits de santé au niveau local, le cofinancement, les systèmes de santé résilients et pérennes, et la gestion des risques, pour n’en citer que quelques-unes. Des réunions bilatérales ont été organisées avec la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, la Suisse, l’Australie, l’Allemagne, Point 7 et l’ONUSIDA. Les dirigeants ont également rencontré le Directeur exécutif du Fonds mondial, Peter Sands, et les nouveaux membres du conseil d’administration du Fonds mondial, Lady Roslyn Morauta et Mme Bience Gawana. Au cours de ces réunions, l’importance de l’Afrique en tant que maillon essentiel du partenariat avec le Fonds mondial a été soulignée. L’influence croissante de l’Afrique au sein du Fonds mondial et dans la mise enoeuvre de l’agenda de la santé mondiale a également été reconnue.
La délégation africaine a en outre participé à une réunion d’une journée avec d’autres représentants des circonscriptions de mise en œuvre. Le groupe des responsables de mise en œuvre a publié une déclaration conjointe mettant en relief les sujets essentiels avec un accent particulier sur le genre et les droits humains. La déclaration a relevé les violations continues et croissantes des droits humains qui, si elles ne sont pas traitées, constitueront des obstacles à la mise en œuvre réussie de cette nouvelle stratégie du Fonds mondial. Le groupe des responsables de mise en œuvre a affirmé très clairement que ces violations étaient susceptibles d’affecter l’accès à des services de santé équitables et complets pour tous, et en particulier pour les populations clés, vulnérables et marginalisées. Il a par conséquent appelé toutes les parties prenantes à rester vigilantes. La déclaration conjointe du groupe des responsables de mise en œuvre a également abordé des questions telles que le Fonds de lutte contre les pandémies et les contextes d’intervention difficiles qui sont alignées sur la position de l’Afrique.
Au cours de la réunion du conseil d’administration, l’Afrique est restée déterminée sur la question de la nécessité d’investir dans des systèmes de santé résilients et pérennes en vue d’assurer la préparation et la riposte aux pandémies. Elle a à cet effet appelé à une augmentation des investissements dans la surveillance, les ressources humaines dans le secteur de la santé, les données fiables et actualisées, et les systèmes de laboratoire. L’Afrique a en outre insisté sur une approche collaborative, cohérente et flexible des flux de financement, en particulier pour le fonds de lutte contre les pandémies, afin de réduire la charge et les coûts des transactions ainsi que la disponibilité des fonds dont ont potentiellement besoin deux organisations, à savoir le Fonds mondial et la Banque mondiale.
Les membres africains au sein du conseil d’administration ont également été unanimes sur l’importance capitale de l’amélioration des capacités de gestion des achats et de la chaîne d’approvisionnement. La COVID-19 a révélé cette faiblesse par le fait que l’Afrique était en dernière position lorsque les traitements et les vaccins indispensables sont arrivés. Par ailleurs, l’Afrique acquiert ses produits par le biais du mécanisme d’achats groupés du Fonds mondial, wambo.org, alors qu’il est nécessaire de réaliser des économies d’échelle et de respecter les délais. L’Afrique reste profondément préoccupée par le fait qu’elle fournit moins de 1% des produits à cette plateforme (wambo.org.). Les représentants de l’Afrique ont par conséquent déclaré que la fabrication locale, en plus des capacités accrues de la chaîne d’approvisionnement est essentielle pour assurer la résilience du système de santé et la réalisation des objectifs en matière de couverture sanitaire universelle.
Nos dirigeants du conseil d’administration ont en outre relevé le sort des pays fragiles appelés pays à contexte d’intervention difficile. Au total, 13 de ces pays sur 29 proviennent de nos deux circonscriptions. Cette année, la délégation africaine à la réunion du CA a été marquée par la forte présence des pays classés CID et sous PSA qui sont confrontés à de nombreux défis en raison de l’instabilité dans leurs pays, ce qui pourrait considérablement perturber les efforts de lutte contre les trois maladies. Dans son allocution d’ouverture, le Dr Mbungani a souligné la nécessité d’attirer l’attention sur ces pays et leurs politiques en vue d’assurer la redevabilité par rapport aux ressources et de sauver des vies. Dans le même ordre d’idées, Mme Mochache a relevé la nécessité d’avoir des attentes réalistes en matière de cofinancement.
Les dirigeants africains au sein du conseil d’administration ont demandé au Fonds mondial de mettre en œuvre les deux actions suivantes: Tout d’abord, revoir la politique de sauvegarde additionnelle appliquée dans la plupart des pays classés dans la catégorie des contextes d’intervention difficiles pour s’assurer que la politique est adaptée à l’objectif fixé et, deuxièmement, assurer la cohérence entre cette politique et toutes les autres politiques qui s’appliquent dans ces pays. D’autre part, les dirigeants africains ont réitéré leur engagement à la tolérance zéro en ce qui concerne la corruption tout mettant un accent particulier sur l’optimisation des ressources en vue d’obtenir de l’impact dans la lutte contre les trois maladies. Les dirigeants africains ont en outre encouragé le Secrétariat du Fonds mondial à travailler avec les institutions locales de reddition des comptes – telles que les institutions supérieures de contrôle (ISC) et les commissions de lutte contre la corruption – pour prévenir la fraude car elles comprennent mieux la configuration du terrain et peuvent mieux faire respecter l’intégrité sur le plan fiduciaire.
Au sujet du financement, tout en reconnaissant l’importance des ressources nationales pour faire progresser les objectifs de pérennité et de transition, les membres africains au sein du conseil d’administration ont appelé le Fonds mondial à avoir des attentes plus réalistes en matière de cofinancement. L’exigence de cofinancement intervient dans un contexte économique de plus en plus contraignant, alimenté par la guerre russo-ukrainienne, les crises énergétique et alimentaire, les pressions inflationnistes, les dettes et les conflits qui ont un impact négatif sur la marge de manœuvre budgétaire des pays. Les dirigeants ont également reconnu que les dialogues en cours sur le financement de la santé qui se déroulent dans certains pays permettent d’augmenter potentiellement les ressources nationales pour la santé dans les pays. Ce point reste particulièrement important, comme l’a réitéré le Dr Donald Kaberuka dans son discours d’adieu où il a rappelé aux délégués des pays du Sud que “confier la santé de notre peuple au bon vouloir des contribuables étrangers n’est pas une politique, mais un alibi à l’absence d’une politique proprement dite.”
Enfin, les représentants africains se sont joints au reste des dirigeants du CA pour faire leurs adieux au président sortant du CA, le Dr Donald Kaberuka, et à Lady Ros Morauta, qui ont assuré un leadership solide pendant la pandémie de COVID-19 en assurant l’élaboration de la stratégie 2023-2028 et l’organisation de la 7ème campagne de reconstitution des ressources. Ils se sont engagés à soutenir la nouvelle présidente du conseil d’administration, Lady Ros Morauta, et ont souhaité la bienvenue à la nouvelle vice-présidente, Mme Bience Gawana, dont le mandat est de trois ans.
Aaron Mulaki