Entretiens ACB – Perspectives sur l’adaptation des programmes de lutte contre la tuberculose, l’optimisation des ressources et l’utilisation des technologies pour améliorer les soins
Dr Nii Hanson-Nortey, Consultant international en tuberculose, VIH et sécurité sanitaire mondiale
La tuberculose (TB) reste un défi majeur de santé en Afrique, avec des incertitudes en matière de financement qui menacent les progrès réalisés. Dans cet entretien, le Dr Nii Hanson-Nortey, expert de premier plan en tuberculose originaire du Ghana, partage ses perspectives sur l’adaptation des programmes TB, l’optimisation des ressources et l’exploitation des technologies pour améliorer les soins.
ACB : Bonjour Dr Nii Hanson-Nortey. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Dr Nii Hanson-Nortey : Je suis le Dr Nii Hanson-Nortey, médecin et expert en tuberculose. J’ai été directeur adjoint du Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNLT) du Ghana pendant 11 ans, période durant laquelle j’ai dirigé la mise en œuvre des activités collaboratives TB/VIH, l’élaboration de deux plans stratégiques nationaux TB ainsi que des propositions pour le Fonds mondial. J’ai également été vice-président de l’instance de Coordination Nationale (ICN) du Ghana de 2021 à 2022. Depuis 2022, je suis expert TB au sein du Panel de révision technique (PRT) du Fonds mondial.
ACB : Les pays africains sont confrontés à des défis majeurs liés aux changements dans le financement de la TB. Quelle en est, selon vous, l’incidence sur les programmes de lutte contre la TB ?
Dr Nii : Il est essentiel de fournir des informations claires et factuelles à toutes les parties prenantes, y compris les responsables gouvernementaux et les bailleurs de fonds. Ils doivent comprendre précisément ce que leur financement permet de soutenir, et les impacts réels que pourraient avoir des coupes budgétaires — sur les cliniques, les professionnels de santé et, surtout, sur la vie des patients. Actuellement, le financement limité entraîne la mort de personnes atteintes de tuberculose non diagnostiquée.
ACB : De nombreuses organisations sensibilisent sur ce sujet. Imaginons un scénario catastrophe. Et si le financement des programmes TB était réduit de 50 % ? Comment les programmes TB devraient-ils s’adapter ?
Dr Nii : Dans un tel cas, il faudrait repenser nos stratégies de dépistage. Actuellement, nous recommandons le test GeneXpert pour les personnes symptomatiques — toux persistante de plus de deux semaines, accompagnée éventuellement de douleurs thoraciques, fatigue, perte de poids, fièvre ou sueurs nocturnes. Mais ce test est coûteux — jusqu’à 15 $ selon les pays.
Pour optimiser les ressources, nous pourrions mettre en place un processus de dépistage en deux étapes, plus économique, avec d’abord une radiographie numérique du thorax, analysée par intelligence artificielle (IA), pour filtrer les patients symptomatiques à moindre coût. Ensuite, seuls ceux présentant des images à haut risque seraient testés par GeneXpert pour confirmer le diagnostic. Cela permettrait de réduire les pertes liées à l’utilisation de GeneXpert sur des cas à faible risque. L’image radiographique n’a pas besoin d’être imprimée. Cette approche réduirait significativement les coûts tout en maintenant une bonne précision diagnostique. L’intégration de l’IA améliore encore l’efficacité.
Nous devrions également envisager des tests moléculaires alternatifs, comme le système Truenat, un analyseur PCR quantitatif automatique en temps réel, fonctionnant de manière similaire à GeneXpert, ou le test antigénique TB LAM, très efficace chez les personnes vivant avec le VIH.
ACB : C’est une approche intéressante. Certains experts suggèrent aussi que l’intégration des services TB à d’autres programmes de santé pourrait améliorer à la fois l’efficacité et la qualité des soins. Qu’en pensez-vous ?
Dr Nii : L’intégration est une solution viable, mais elle doit être stratégique. Par exemple, le dépistage TB pourrait être intégré aux services des consultations externes, en suivant le processus de dépistage optimisé que nous venons d’évoquer.
Nous devons aussi tirer parti des technologies émergentes. Les outils d’IA peuvent améliorer la précision du diagnostic, l’efficacité des flux de travail et soutenir la prise de décision clinique.
Par ailleurs, il est nécessaire d’intensifier les actions de plaidoyer et les négociations avec les entreprises internationales qui fabriquent les tests TB, afin d’abaisser le prix de ces tests à un niveau plus réaliste de 5 $, surtout pour les pays à faibles revenus. Cela permettra à ces pays d’en acheter en grandes quantités.
ACB : Y a-t-il un rôle pour les agents de santé communautaire dans ce scénario de réduction de 50 % du financement disponible ?
Dr Nii : Oui, les volontaires de santé communautaire sont essentiels pour la détection des cas et le soutien au traitement. Ils peuvent réaliser le dépistage des symptômes dans la communauté et dans les structures de santé pour permettre un dépistage précoce. Ces personnes peuvent ensuite être orientées vers la radiographie. Dans la mesure du possible, les volontaires doivent recevoir une compensation pour leur travail, ce qui renforcera leur engagement et permettra un meilleur suivi avec une redevabilité plus claire.
ACB : Enfin, quel message souhaitez-vous transmettre à nos lecteurs ?
Dr Nii : La tuberculose est à la fois très répandue et curable, et pourtant elle reste l’une des principales causes de mortalité en Afrique. En 2021, elle était la quatrième cause de décès sur le continent, la première étant la pneumonie, qui inclut potentiellement des cas de TB non diagnostiqués.
Contrairement à d’autres maladies infectieuses, la TB n’est pas liée à un comportement spécifique — toute personne qui respire est à risque. C’est donc un problème de santé neutre, mais urgent.
Nous devons continuer à plaider et à dialoguer avec les décideurs politiques et les bailleurs de fonds afin d’assurer un financement sécurisé des programmes de lutte contre la TB à l’échelle mondiale. C’est la seule façon de préserver les acquis issus de nombreuses années d’investissements.
ACB : Merci, Dr Nii, pour ces éclairages.
Entretien réalisé le 20 mars, 2025 par Djesika Amendah, PhD